La scène se déroule sous un ciel bien gris, aux monts Diablo, dans le nord-ouest de la Californie.
Alexis Rodriguez, un jeune apiculteur, se dirige avec le shérif local vers l’endroit où il a installé ses 200 ruches à l’abri des regards, à l’écart de la route.
Son air dépité, presque désespéré, reflète ce qu’il a vécu la veille.
Alors qu’il venait, comme chaque jour, s’occuper de ses précieuses abeilles, il s’était vite aperçu que quelque chose clochait.
Toutes ses ruches, sans exception, avaient été inspectées durant la nuit… et 80 d’entre elles s’étaient envolées, sans mauvais jeu de mots.
Rien de bien surprenant pour le shérif.
Chaque année, des centaines de ruches sont volées pour polliniser les amandiers des environs…
…et il connaît bien les méthodes des trafiquants, puisqu’il en est devenu l’ennemi numéro un.
La guerre des abeilles fait rage.
Un trafic qui prend de l’ampleur
La première piste à suivre est toujours la même : des apiculteurs concurrents en difficulté.
« Il y a bien quelqu’un qui a perdu près de la moitié de ses abeilles à cause de parasites cet hiver, se souvient Alexis. J’ai entendu dire qu’il avait du mal à honorer les contrats qui le lient à ses clients, des exploitants agricoles à qui il louait ses ruches pour la pollinisation… »
Il faut dire que la région assure 80% de la production mondiale d’amandes !
On comprend alors le rôle crucial des abeilles, indispensables pour polliniser les amandiers en fleur.
Dans les vergers, les ruches sont louées entre 200 et 250 dollars par mois chacune, un vrai trésor pour les producteurs… et une tentation pour les voleurs.
En quelques années, le shérif est passé de quelques vols isolés par an à un ou deux par semaine !
On parle tout de même de 2 300 ruches volées en 2023, puis 3 500 en 2024, alors qu’on en comptait moins d’une centaine par an dix ans plus tôt.
Comment en est-on arrivé là ?
Une affaire à un million de dollars
Si le phénomène est en constante augmentation, c’est que le larcin peut rapporter gros.
Les ruches sont louées, revendues (environ 200 euros pour un essaim), ou exploitées.
Sachant qu’une colonie (une ruche) peut produire entre 15 et 20 kilos de miel par an (ce dernier se négocie environ 20 euros le kilo), on arrive assez rapidement à des sommes conséquentes, même pour de « petits voleurs ».
En 2016 et 2017, la première grande affaire, suivie par le shérif Rowdy Freeman dans la région, avait abouti à l’arrestation de deux apiculteurs qui dérobaient les meilleures colonies de leurs concurrents.
2 500 ruches, appartenant à une douzaine d’apiculteurs, avaient été volées pour un gain mal acquis estimé à un million de dollars !
Le phénomène ne touche pas que les États-Unis, il est présent un peu partout dans le monde.
En France, par exemple, le nombre de vol a augmenté de 50 % entre 2020 et 2021[1].
Il faut savoir que de nombreux apiculteurs connaissent des difficultés financières, entre la prolifération du frelon asiatique, les caprices de la météo, les parasites, la pollution qui décime les colonies et la concurrence déloyale des producteurs de miel étranger… tout n’est pas rose au pays de l’or liquide.
On comprend que la tentation soit grande.
Le déclin des abeilles, un véritable danger
Il y a longtemps que les alertes ont été lancées au sujet des produits phytosanitaires toxiques pour les abeilles, comme les néonicotinoïdes.
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’ils ne sont pas les seuls responsables de la disparition progressive des abeilles.
L’Anses a relevé par ailleurs 29 agents pathogènes et prédateurs qui participent également à ce désastre écologique[2].
Si cette tendance se confirme, les conséquences pourraient être dramatiques. Les abeilles sont indispensables à la reproduction de nombreuses plantes, y compris celles qui produisent nos fruits et légumes.
On estime que 75 % de la production mondiale de cultures alimentaires et 90 % des espèces végétales à fleurs dépendent des insectes pollinisateurs pour leur reproduction.
On entend souvent dire que la disparition des abeilles entraînerait la fin de l’humanité. Ce n’est pas tout à fait exact, mais il est certain que sans ces pollinisateurs, l’ensemble de l’écosystème mondial serait profondément bouleversé.
Une étude publiée en 2015 dans The Lancet, annonce par exemple qu’un fort déclin des populations d’abeilles pourrait provoquer une augmentation de la mortalité mondiale de près de 3 % [3].
Aujourd’hui, la surmortalité des abeilles provoque déjà des problèmes d’ordre économique : hausse du prix des essaims, vols, apiculteurs en détresse, concurrence féroce, surexploitation des abeilles, produits de la ruche de moindre qualité.
Mais cela risque de n’être que les prémices de conséquences bien plus graves.
Il est grand temps de prendre soin de nos abeilles
Quelques mesures pour cela :
- Achetez le miel des apiculteurs locaux
Bannissez les mélanges de miels ou les « faux miels », coupés aux sucres de riz ou de maïs.
- Faites pousser des fleurs dans votre jardin ou sur votre balcon
L’idéal étant de transformer tout ou une partie de votre jardin en prairie fleurie, afin d’offrir aux pollinisateurs une véritable oasis à butiner.
- Bannir les pesticides
Penchez-vous sur les alternatives naturelles pour un jardin plus sain, propice aux vivant.
- Parrainez une ruche !
De nombreuses associations proposent de parrainer une ruche en échange de plusieurs pots de miel par an.
Ici par exemple : https://www.untoitpourlesabeilles.fr
- Soutenir les associations de protection des abeilles
Voici quelques sites :
- https://www.pollinis.org/
- https://www.happybeezz.fr/
- https://www.certifiedbeefriendly.org/l-association/
Avez-vous déjà été confronté au vol de ruches ?
Selon vous, quelles sont les meilleures solutions pour sauver les abeilles ?