Quand les virus deviennent l’espoir de l’humanité - Nouvelle Page Santé

Quand les virus deviennent l’espoir de l’humanité

L’antibiorésistance est reconnue comme l’une des principales causes de décès dans le monde.
C’est en tout cas ce que suggèrent de nombreuses études, dont la plus récente parue en janvier 2022 dans la revue The Lancet1.

Les scientifiques y font état de 4,95 millions de morts associés à l’antibiorésistance en 2019.

En épluchant leur rapport d’analyse, j’ai été effaré de constater que cela représente 3 à 4 fois plus que les taux de mortalité attribués au paludisme et au sida réunis sur la même année !

Voilà les conséquences désastreuses de l’antibiothérapie, banalisée et pratiquée à outrance par le corps médical dans la plupart des pays occidentaux.

Et si la tendance semble s’être améliorée ces dernières années, il y a encore de gros efforts à fournir, notamment chez nous, la France restant l’un des plus gros pays consommateurs d’antibiotiques2.

Face à ce constat alarmant, le développement de nouvelles thérapies semble plus que jamais nécessaire.

C’est là qu’entre en jeu un concept en apparence aussi contradictoire que révolutionnaire, faisant appel à des virus pour détruire les bactéries résistantes.

Une découverte pas si neuve

Contre toute attente, les prémices de la phagothérapie remontent à la fin du XIXe siècle.

Tout commence en 1896, lorsque le microbiologiste britannique Ernest Hanbury Hankin part en Inde pour y étudier les épidémies de choléra.

C’est alors qu’il découvre que l’eau du Gange contient un agent antiseptique, capable de tuer les bactéries responsables de cette maladie.

Bien que Hankin n’ait pas réussi à isoler cet agent, il fut le premier à suggérer l’existence de « virus bactériens ».

Puis, au début du XXe siècle, c’est le chercheur français Félix d’Hérelle qui décrit et utilise avec succès les premiers « bactériophages », pour lutter contre des maladies aussi diverses que la dysenterie et la typhose aviaire.

Ainsi, naît la phagothérapie qui commence à être employée contre les infections bactériennes dans de nombreux pays d’Europe, avant de s’exporter aux États-Unis.

Cependant, la controverse qu’elle suscite au sein de la communauté scientifique ne cesse d’enfler.

Par la suite, la découverte de la pénicilline et l’avènement des premiers antibiotiques dans les années 1940, signent le déclin de la phagothérapie qui tombe alors aux oubliettes.

Jusqu’à ce que l’émergence récente de nombreuses bactéries résistantes ne devienne un enjeu de santé publique…

Des virus salvateurs

Ainsi, durant ces dernières années, la phagothérapie est réapparue sur le devant de la scène pour traiter les infections bactériennes résistantes.

Cette méthode de traitement fait appel à des bactériophages (ou phages), autrement dit des virus qui ciblent et infectent les bactéries, utilisant le matériel génétique de ces dernières pour se reproduire.

Ils vivent à l’état naturel dans quasiment tous les écosystèmes. On en trouve dans le sol, sur la peau et les muqueuses des animaux, dans les eaux douces et les océans, jusqu’au plus profond des abysses.

Leur particularité est d’être vraiment spécifiques à une espèce voire à une sous-espèce de bactérie.

Ils n’infectent aucun autre organisme vivant, ce qui en fait des alliés de choix dans le domaine de la santé lorsque l’on cherche à cibler spécifiquement une souche de bactérie chez des malades atteints d’infections graves.

Différentes voies d’administration sont possibles en fonction de la pathologie à traiter (cutanée, orale, etc.) mais la voie injectable serait la plus active3.

Ces dernières années, les phages ont prouvé leur efficacité pour venir à bout de bactéries aussi virulentes qu’Escherichia coli, Staphyloccocus aureus (le fameux staphylocoque doré), et même Pseudomonas aeruginosa4, une « super » bactérie nosocomiale capable d’infecter de nombreux organes.

Les phages sont particulièrement salvateurs en cas d’infection de prothèses articulaires5, toujours très difficiles à endiguer, ainsi que dans la lutte contre les affections respiratoires6.

Voilà pourquoi ils apparaissent aujourd’hui comme une véritable porte de sortie, face aux désastres de l’antibiorésistance.

Un bel avenir devant eux !

À tel point que même les hautes autorités de santé ont décidé de leur faire confiance, malgré une véritable impasse réglementaire.

En effet, à l’heure actuelle, le monde ne saurait se passer de protocoles contraignants pour satisfaire à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Une condition indispensable à la commercialisation et à l’usage de toute substance médicamenteuse en Europe et aux États-Unis.

Or, il apparaît difficile à bien des égards de standardiser l’usage des bactériophages chez les patients atteints d’infections à bactéries résistantes…

Pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’organismes vivants ! Il existe donc toujours une part d’imprévisibilité dans la pratique, ce qui ne colle pas avec les normes en vigueur.

Ainsi, à ce jour, il n’existe dans le monde aucune AMM pour les traitements utilisant des bactériophages.

Malgré tout, en France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a accordé l’été dernier un accès compassionnel aux bactériophages pour des patients atteints d’infections ostéo-articulaires7.

Entre-temps, les hôpitaux publics de Lyon ont obtenu un financement de 2,85 millions d’euros de la part de l’Agence Nationale de Recherche (ANR) pour le projet PHAG-ONE, qui vise à améliorer la recherche dans le domaine de la phagothérapie.

De nombreux programmes de recherche financés émergent ainsi de par le monde.

Aux États-Unis, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) a accordé 2,5 millions de dollars à 12 instituts pour soutenir la recherche sur les bactériophages en 2021.

Plus récemment, c’est l’état de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie8, qui a emboîté le pas.

La phagothérapie semble enfin promise à un bel avenir et j’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement.

En attendant, vous noterez que c’est bien la première fois dans l’histoire de l’humanité que nous essayons de faire prospérer des virus ! Amusant, non ?

Vos commentaires sont toujours les bienvenus.

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sala christian
11 mois il y a

Il me semble qu’il existe aussi des bactéries virophages,non ?Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Bourgeois Maryse
11 mois il y a

Ouf Enfin On y Vient Étant concernée
En 2018 j en ai parler au pneumologue qui était étonné
C’était le 2me patient qui lui en parlait
Merci de vous y interressér
A voir la suite

Marie-Noëlle
Marie-Noëlle
11 mois il y a

Bonjour, j’ai entendu dire que cette technique existe depuis longtemps en Géorgie, Ils ont une banque de phages pour diverses bactéries et il y a des personnes qui font le voyage pour aller se soigner là-bas… ( j’ai oublié le nom de la ville )
Merci pour toutes vos infos très précieuses, vous faites un travail formidable.

Francis
Francis
11 mois il y a
  • Quand j’étais lycéen fin des années 60, je lisais à la bibliothèque de mon lycée la revue de l’UNESCO qui s’appelait Tout l’Univers. Je me souviens d’un article sur les virus bactériophages publié par la recherche soviétique de l’époque.
Ada
Ada
11 mois il y a

L’importation de ces traitements étant interdite, il convient d’aller en Géorgie, pays producteur de phages depuis leur création au début du XXème siècle, pour se faire traiter. Le centre de traitement est l’institut Eliava à Tbilissi, qui traite des patients venus de toute l’Europe. J’ai moi-même été traité avec succès d’une infection antibiorésistante.

Maflor
Maflor
11 mois il y a

Grand merci et bravo d’aborder ce sujet si intéressant!

lozanne
11 mois il y a

+les phages étaient utilisées en France mais ont étés interdites vers 1940 pourquoi retirer ce qui fonctionne bien certains malades ont étés a l étranger pour se soigner avec ce procéder
j aimerais bien que ce procéder revienne et traitement plus naturel

Filopon Luc
Filopon Luc
11 mois il y a

Bonjour,
Tout ce qui fonctionne de la nature n’est pas rentable pour ces véreux systèmes de santé qui pensent à faire pousser le blé.
Connaissez-vous l’autophagie?
Bien à vous

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