C’est seulement en 2012 qu’Hildegarde de Bingen (1098-1179) est canonisée par le pape Benoît XVI.
Il faut dire qu’en son temps, sa grande modernité n’a pas toujours été vue d’un très bon œil par l’Église.
Aujourd’hui, les travaux d’Hildegarde sont une source d’inspiration infinie : pour les biographes des saints, les historiens, les adeptes des médecines naturelles mais aussi, et on le sait moins, pour les… musicologues.
Moi qui suis féru de musique, j’ai tout naturellement choisi d’axer ma lettre du jour autour de cet aspect méconnu de la vie de la sainte.
Que la musique soit
Enfant, la petite Hildegarde commence à avoir des visions célestes, mais personne n’y prête véritablement attention.
Ce n’est que passé la quarantaine qu’elle parvient à se libérer de ce poids encombrant, par le biais d’une énième vision qui a tout d’une injonction divine : « Fais connaître les prodiges que tu vis, mets-les par écrit, et parle ».
Elle décide alors de mettre ses visions par écrit dans un ouvrage désormais célèbre : le Scivias.
Pour Hildegarde, s’il est une certitude, c’est bien celle que l’âme est une symphonie, et que la musique nous relie à Dieu, aux anges et au ciel.
Et évidemment, les bienfaits de la musique ne s’arrêtent pas aux soins de l’âme ; ils sont aussi une bénédiction pour le corps.
En fait, Sainte Hildegarde apprend la musique durant sa prime jeunesse.
Un apprentissage que l’on pourrait dire divinement guidé, car, dans ses visions décrites dans le Scivias, la musique est présente, telle une symphonie céleste.
Avant d’être chassé du paradis, on dit que la voix d’Adam s’unissait pleinement à celle des anges.
Ainsi, la musique et le chant prennent leur source dans le désir de rejoindre le chœur céleste, et, par conséquent, de se rapprocher du paradis et de Dieu.
Une production qui fait encore vibrer les amateurs de musique
Tout au long de sa vie, Hildegarde de Bingen compose au moins 70 chants destinés aux offices, ainsi qu’un drame liturgique.
Son œuvre continue d’être jouée, et on peut d’ailleurs considérer Hildegarde de Bingen comme la première compositrice connue, les œuvres musicales créées jusque-là n’étant pas signées par leurs auteurs.
Ses thèmes de prédilection sont variés, même si, bien évidemment, ils sont tous tournés vers les cieux.
Elle évoque les anges, les saints, la Vierge Marie ou encore la prise de voile des religieuses.
Ce qui surprend les experts en musique médiévale, c’est que ses compositions n’ont rien d’académique par rapport à ce qui se faisait à l’époque.
Elle prend beaucoup de libertés avec les normes musicales en vigueur, mais certains y voient une tentative d’innovation plutôt que de la maladresse.
Une chose est sûre : sa musique était faite pour être chantée et on suppose que ses créations étaient interprétées par les religieuses.
Encore une liberté qui lui était parfois vigoureusement reprochée.
En effet, l’emploi d’instruments de musique pendant les services religieux n’était pas toléré à cette époque par les instances catholiques.
Face à ces reproches, Hildegarde avait une réponse bien à elle : « Dieu doit être loué avec tous les instruments de musique que les hommes sensés et ingénieux ont inventés ».
Autre digression : au Moyen-Âge, les femmes n’étaient pas autorisées à chanter dans les églises, le chant liturgique étant plutôt réservé aux hommes — cette règle pouvait parfois être enfreinte, mais pas dans tous les monastères et couvents, loin de là.
Cela n’empêchait pas Hildegarde de faire chanter ses œuvres par des religieuses.
Le pouvoir guérisseur de la musique
La musique d’Hildegarde avait pour but d’éveiller les consciences, de se rapprocher du divin, mais aussi de soigner l’âme, l’esprit et le corps.
Une médecine holistique avant l’heure.
Et de fait, nous savons aujourd’hui, de manière scientifique, que la musique possède de véritables vertus thérapeutiques.
D’après Emmanuel Bigand, enseignant-chercheur, la musique permet :
- ● de lutter contre le vieillissement cognitif ;
- ● d’aider les enfants autistes à développer leur sens de l’empathie ;
- ● de soulager les pathologies du cerveau, comme Alzheimer ou Parkinson.
Il passe en revue les bienfaits de la musique sur le cerveau dans un ouvrage écrit avec Barbara Tillmann, directrice de recherche au CNRS, dont les travaux ont contribué à révéler le rôle bénéfique de la musique dans le traitement de certains troubles cognitifs[1].
La musique contribue plus globalement à la création de nouveaux réseaux neuronaux et à la stimulation des connexions existantes[2].
C’est encore plus vrai lorsque l’on pratique d’un instrument.
Autre pouvoir de la musique : il est prouvé qu’elle favorise la cohésion sociale.
Cela rejoint le fameux adage selon lequel « la musique adoucit les mœurs ».
Dans une étude[3], les auteurs montrent que la musique favorise la contagion émotionnelle, la cohésion sociale et l’amélioration du bien-être.
Des phénomènes d’harmonisation et d’unité ont été observés, lors de concerts, chez les musiciens et les auditeurs, que ce soit au niveau cardiaque ou cérébral.
La musique rassemble ; elle permet à un groupe de ne faire qu’un.
Il ne faut pas perdre de vue que la musique est composée par les hommes pour les hommes, afin d’apporter du bien-être.
C’est un acte de partage dans sa forme la plus pure.
Lorsque nous écoutons de la musique, notre cerveau libère de la dopamine, la molécule du bonheur, qui active les mêmes zones cérébrales que la joie.
En cette période troublée par les conflits, la violence et les désaccords, la musique ne serait-elle pas justement un moyen d’accorder nos violons et de jouer une partition plus bienveillante ?
La musique d’Hildegarde aujourd’hui
Les œuvres musicales de la sainte sont regroupées en deux recueils : la Symphonia harmoniae caelestium revelationum (« symphonie de l’harmonie des révélations célestes ») et un drame liturgique intitulé Ordo virtutum (« le jeu des vertus »).
Ce dernier comprend tout de même 82 mélodies à lui seul !
Ce sont de véritables hymnes à la vie, à la spiritualité, à l’amour, à la fécondité et à la femme.
Ne croyez pas que les compositions d’Hildegarde soient tombées dans l’oubli ou n’intéressent que d’obscurs ermites retranchés dans leur monastère.
En 1994, le fameux ensemble Sequentia reprend l’essentiel de l’œuvre sous la direction de Barbara Thornton.
Un coffret de 8 CD, tout de même !
À noter qu’à l’époque d’Hildegarde, la notation musicale était sommaire.
Les partitions qu’elle nous a laissées peuvent donc être interprétées de manière complètement différente.
Malgré tout, l’analyse des experts est unanime : son travail de composition est virtuose.
Les parties chantées sont particulièrement complexes et puissantes.
Les religieuses qui s’y essayaient devaient avoir de sacrées compétences en matière de chant !
L’héritage d’Hildegarde de Bingen est multiple : depuis les années 80, de nombreux centres dits « hildegardiens » ont vu le jour.
Ces instituts proposent de prendre soin de notre santé en suivant les principes de la religieuse : par les plantes, l’alimentation… mais aussi par la musique.
Voici deux liens qui proposent beaucoup d’adresses et de services, si cela vous intéresse :
https://saintehildegarde.com/activites/
https://www.annuairehildegarde.com/index.php/fr/
Une dernière anecdote pour finir : Hildegarde de Bingen ne s’est pas contentée de créer des remèdes, ou de composer de la musique.
Elle a aussi inventé une langue qui lui est propre et qui lui aurait été transmise dans une vision !
Il en reste un glossaire composé de 1 011 mots, et une de ses compositions est écrite dans cette lingua ignota (« langue inconnue »).
Décidément, Sainte Hildegarde n’a pas fini de nous surprendre !
Et vous, quel rôle joue la musique dans votre vie ? Que pensez-vous de la musique d’Hildegarde de Bingen ?
Avez-vous envie de l’écouter et d’en tirer tous les bienfaits thérapeutiques ?
J’ai hâte de lire vos commentaires sur la question !
Pour ceux qui sont abonnées depuis le début avec un renouvellement automatique sont-ils laissés pour compte? N’auraient-il pas droit pour le moins au numéro spécial consacré aux secrets de santé d’Hildegarde de Bingen version numérique.sans pour autan devoir faire l’aumône comme au moyen âge.
Prix de l abonnement ?
Passionnée depuis longtemps par hildegarde , pharmacien avec formation fleur de bach , huile essentielle et phytothérapie, je suis très heureuse qu enfin hildegarde de bingen sorte de l ombre !
Cette femme est mise à l’honneur dans un spectacle (lecture théâtralisée) qui se déroulera au château de Trazegnies (Hainaut-Belgique) le 14 mai prochain.L’affiche peut être obtenue sur demande à :
lecerclelethe@gmail.com.
Tout cela est très intéressant… Serait-il possible d’avoir des liens pour se procurer le coffret des huit CD regroupant l’œuvre d’Hildegarde ?
Merci d’avance.
Bonjour, je connais Sainte Hildegarde depuis longtemps et j’aime sa musique. Je ne souhaite pas m’abonner à la revue, même pour 3 mois. J’aimerais cependant avoir le n° sur Hildegarde. Peut-on l’acheter ? Cordialement.
Bonjour, très intéressant! Quel est le titre de l’ouvrage que vous évoquez sur les bienfaits de la musique 🎵? J’ai personnellement eu recours à plusieurs reprises à la méthode Tomatis, que vous connaissez aussi sans doute… L’effet Mozart…!
Merci pour votre travail