Selon le sénateur Claude Malhuret, Elon Musk serait un « bouffon sous kétamine »[1]. Aucun doute n’est possible quant à la connotation négative qui transpire dans cette déclaration. Depuis que le conseiller de Donald Trump a avoué prendre cette substance pour soigner un état dépressif, il n’a fait que donner du grain à moudre à ses détracteurs. « Comportement erratique », « drogué », « idées délirantes », « sentiment de toute puissance »… Voilà ce que l’on entend ou que l’on peut lire dans la presse pour qualifier l’homme d’affaires. Il faut dire qu’il tend le bâton pour se faire battre… Entre un supposé salut nazi et son show surréaliste, tronçonneuse à la main, qui a fait le tour du monde, les spéculations vont bon train. La kétamine et ses effets serait-elle responsable de ce comportement pour le moins outrancier ?
Kétamine : une substance aux multiples visages
Qu’est-ce que la kétamine exactement ?
C’est une molécule chimique synthétisée pour la première fois en 1962, et que l’on utilise pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.
La kétamine est l’un des rares anesthésiques intraveineux qui présente peu d’effets sur les fonctions respiratoires.
Elle est donc couramment utilisée en milieu hospitalier et présente peu de danger.
Ce n’est que depuis 2019 aux États-Unis, et 2020 en France, que d’autres usages ont fait leur apparition.
Un dérivé de la kétamine, l’eskétamine, est notamment utilisé dans le cadre de dépressions résistantes.
En France, le traitement se fait à l’hôpital, la plupart du temps via un spray nasal (parfois en intraveineuse).
Aux États-Unis, l’eskétamine est plus facilement accessible car elle a obtenu une autorisation de mise sur le marché, et est commercialisée sous la forme d’un spray nasal : le SPRAVATO.
Kétamine récréative : un usage détourné
Malheureusement, la kétamine est de plus en plus fréquemment détournée de son usage médical à des fins récréatives.
C’est surtout là que se trouve le vrai problème.
Elle est alors consommée sous forme de fins cristaux, ou de poudre blanche, voire en intraveineuse.
À doses modérées, elle permet une sensation de détente, d’ébriété légère, de flottement agréable.
À doses plus importantes, elle peut entraîner un état dissociatif avec une distorsion de la perception visuelle et corporelle (sensation de quitter son corps).
Des hallucinations délirantes sont également possibles, et une surdose peut s’avérer fatale.
Alors, cette substance serait-elle à l’origine des « coups de folie » d’Elon Musk ?
Ce n’est pas tout à fait impossible, mais cela ne serait envisageable que s’il s’administrait de la kétamine hors contrôle médical, dans le cadre d’une auto-médication ou d’un usage « festif ».
Comme le dit Muriel Grégoire, psychiatre addictologue et auteure d’une thèse sur ce produit[2] :
« Le fait est que l’on ne sait pas ce qu’il consomme en dehors de la kétamine, pour laquelle il dit avoir une prescription. Je doute que l’on puisse attribuer son ego trip à cette substance, qui ne provoque pas de sentiment de toute-puissance. Peut-être s’agit-il simplement là de sa personnalité. »
Une personnalité hors norme… avec ou sans kétamine
Les récentes polémiques entourant le fantasque milliardaire n’ont certainement pas surpris ceux qui le suivent depuis longtemps.
Le biographe Walter Isaacson s’est immergé dans la vie d’Elon Musk durant deux ans.
Il en a tiré un portrait contrasté.
L’homme pourrait être qualifié de « grand enfant ».
Marqué par une jeunesse durant laquelle il a été régulièrement victime de harcèlement scolaire, il souffrirait également du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme pour laquelle il a été diagnostiqué.
Cela pourrait expliquer son attitude parfois étrange et ses sautes d’humeur semblables à des montagnes russes.
Musk est sans conteste un homme à la personnalité rude et complexe, dont les émotions sont distordues par ses différents maux et par son histoire.
C’est sans doute aussi ce qui a participé à son succès.
Walter Isaacson résume ainsi sa personnalité : « Nous avons tous des démons dans la tête depuis l’enfance. Il a été capable d’exploiter ces démons pour en faire une force motrice. »
Jusqu’où la kétamine a-t-elle exacerbé ces démons ?
Nul ne peut prétendre le savoir.
Kétamine et ses effets : un espoir majeur contre la dépression
Au-delà de ses effets possibles sur l’attitude d’Elon Musk, il faut tout de même rendre justice à la kétamine, dans le sens où elle sauve et sauvera sans doute beaucoup de vies à l’avenir.
La kétamine est actuellement le remède le plus efficace pour les personnes qui souffrent de dépressions sévères et qui ne sont pas soulagées par les antidépresseurs classiques.
Elle est indiquée chez des patients qui ont déjà reçu deux traitements antidépresseurs qui n’ont pas fonctionné.
Se retrouver dans une situation de dépression et voir les solutions échouer une à une est catastrophique pour les malades et les plonge dans une détresse encore plus grande, parfois fatale.
Le fait que la kétamine puisse les sortir de cette ornière est un précieux rayon de lumière au bout du tunnel.
Ces derniers mois, les recherches scientifiques qui confirment ses effets impressionnants abondent[3].
Elle apparaît également très efficace quand il faut un traitement ponctuel et urgent (pour faire face à une crises suicidaire, par exemple)[4].
Je ne rentre pas dans les explications compliquées sur son action sur le cerveau.
La kétamine agit différemment des autres molécules disponibles, mais sachez que les psychiatres la considèrent comme étant la première évolution majeure dans le traitement de la dépression depuis le Prozac !
L’addiction, le gros point faible des effets de la kétamine
La kétamine présente en réalité deux points faibles.
Le premier, c’est qu’on ne connaît pas encore avec précision ses effets sur le long terme, car c’est un traitement assez récent.
Le second, c’est que c’est une molécule addictive, qui provoque une sensation de bien-être qu’on a tendance à vouloir prolonger, d’autant plus que son effet est relativement court dans le temps.
Utiliser la kétamine à des fins récréatives est malheureusement en train de se banaliser.
D’après les chiffres de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives), 2,6 % des Français de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé de la kétamine au cours de leur vie.
Et cette consommation n’épargne pas les plus jeunes[5].
En 2022, la consommation de kétamine concernait 0,9 % des jeunes de 17 ans.
Chez les lycéens, 1,1 % a déclaré avoir expérimenté la kétamine en tant que drogue.
Après avoir gagné les États-Unis, c’est à la fin des années 90 que son usage en France a progressivement gagné le milieu festif, où elle est proposée sous différentes appellations (Kéta, K, Kate, Spécial K, la Golden, la vétérinaire…).
L’usage détourné de la kétamine a également atteint l’Asie à la même époque.
Elle y a pris une ampleur considérable, en particulier dans les night-clubs de Taïwan et de Hong Kong.
En 2006, à Hong Kong, la kétamine était la deuxième substance psychoactive la plus consommée après l’héroïne.
Côté effets indésirables, la kétamine n’est pas exempte d’inconvénients.
La kétamine et ses effets indésirables
Pour ce qui est des effets connus, on compte notamment :
- Une augmentation de 10 à 20 % de la fréquence cardiaque ;
- Des anomalies du bilan hépatique (lors d’une prise de sang, par exemple) ;
- Un sentiment d’ébriété ;
- Une sensation de dissociation (on a l’impression que l’esprit est séparé du corps) ;
- De la confusion, des problèmes de coordination.
Cependant, lorsque la kétamine est prise sous contrôle médical, elle présente moins d’effets indésirables que les antidépresseurs classiques.
En revanche, lorsqu’on en abuse, les effets sont beaucoup plus dangereux. Je pense notamment à :
- Des troubles des voies urinaires qui peuvent aller de l’incontinence à la présence de sang dans les urines, jusqu’à l’insuffisance rénale dans les cas les plus graves ;
- De graves répercussions sur le foie et les reins ;
- Des déficits de la mémoire et de l’attention ;
- Des hallucinations puissantes ;
- Le coma en cas de surdose.
Les effets à long terme restent encore mal connus, car ils n’ont pas été suffisamment étudiés.
La kétamine est donc une source d’espoir pour les personnes souffrant d’une dépression persistante, à condition de l’utiliser correctement.
Pour en revenir à la consommation de kétamine d’Elon Musk, il est peu probable que cela influe sur son attitude et ses prises de position parfois outrancières, surtout si, comme il l’affirme, il s’agit d’une consommation encadrée médicalement.
S’il en abuse, c’est une autre histoire…
Connaissiez-vous la kétamine et ses effets ? Seriez-vous tenté par la kétamine en cas de sévère dépression ?
Je suis intéressé par un article de fond sur la eskétamine et ses effets antidépresseurs.
Merci
Bonjour, j’ai fait des dépressions graves il y a quelques années (à ne plus me souvenir de mon nom, j’ai dû être hospitalisée, à faire des crises d’angoisses : ne plus voir clair, la tête qui tourne, l’impression que la mort va me prendre…) Je m’en suis sortie en étant suivie par des psychiatres très compétents. Je pense que seul un médicament ne suffit pas pour s’en sortir. Il est impératif d’être suivi par un spécialiste. Cependant je suis toujours intéressée par les nouveaux produits susceptibles d’aider à se sortir de dépression sévère. L’inconvénient c’est que comme tout médicament s’il… Lire la suite »
Serait il envisageable d utiliser la ketamine dans le cadre d une phase très avancée du pparkinson chez une personne très âgée dans laquelle le facteur dépressif est très important avec un sommeil quasi permanent
Sabine je souffre de dėpressios depuis trés longtemps avec des hauts et des bas.Je prends depuis trés longtemps des anti dépresseurs dont le prozac xeroquel dépacotte témesta et je trouve que tous ces médicaments ne sont pas trės éfficaces.
Bonjour
Je trouve que vos commentaires sur la kétamine sont très intéressants et j’aimerais bien continuer à avoir des renseignements sur l’action de cette molécule.
Merci pour votre lettre sur la santé.
Sylvie
Je suis intéressée par c sujet. Est-ce intéressant pour la sclérose en plaque ? Merci
Pour l’avoir beaucoup utilisé en anesthésie, ce produit provoque très souvent des cauchemars, des hallucinations désagréables, de la désorientation des angoisses et parfois de l’agressivité ce qui avait conduit au protocole de le coupler avec une benzodiazepine. Jamais de sentiments de puissance.